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Channel: ASSOCIATION NATIONALE DES RETRAITES DE LA POLICE
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HARO SUR LES RETRAITES : Qui veut vraiment la guerre entre les générations ?

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Cela fait déjà un certain temps que le dénigrement des retraités est devenu le dernier sport à la mode dans les sphères politiques et médiatiques notamment. Ils sont tour à tour :
- accusés de parasitisme puisque c’est bien connu, ils vivent sur le dos des actifs, comme si leurs cotisations passées comptaient pour du beurre tout simplement parce qu’elles ont financé en leur temps les pensions de leurs parents qui, eux, n’avaient que peu ou jamais cotisé ;
- jalousés pour leur train de vie à partir de publicités touristiques notamment qui font croire que les croisières luxueuses et les voyages lointains sont l’ordinaire des couples de retraités, tous bien entendu souriants, bronzés et en parfaite santé (alors qu’on sait selon la DREES qu’en France et pour 2018, l’espérance de vie sans incapacité s’élève à 64,5 ans pour les femmes et 63,4 ans pour les hommes) ;
- traités d’égoïstes uniquement préoccupés de leur confort personnel, de leur bien-être et ne rêvant que d’amasser toujours plus, de préférence en sacrifiant les jeunes générations.

I - LE DÉNIGREMENT DES RETRAITÉS : UN SPORT NATIONAL

Bref, les retraités font l’objet d’un matraquage en règle, sans que personne ou presque ne se soucie de prendre leur défense en remettant les pendules à l’heure. Faut-il rappeler que les retraités d’aujourd’hui ont souvent travaillé très largement au-delà des 35 heures hebdomadaires actuelles, avec nettement moins de congés, dans des conditions difficiles et que leur retraite d’aujourd’hui n’est que la contrepartie légitime de leurs efforts d’hier. Le train de vie des retraités n’a rien de mirobolant. Et si leur niveau de vie moyen est à peine supérieur à celui de la généralité des Français, c’est qu’un septuagénaire retraité est en général plus aisé qu’un quadragénaire actif, parce qu’il a travaillé durant toute une carrière de 40 ans et plus et qu’il a légitimement acquis un patrimoine que ne peut se constituer un actif à mi-carrière quand il a en sus charge d’enfants et d’emprunts. Mais une fois parvenu à 70 ans et toutes choses égales par ailleurs, notre actif de 40 ans atteindra exactement la même aisance que notre actuel septuagénaire. Pourtant les plus éminents de nos spécialistes et la quasi-totalité des journalistes ont un mal infini à comprendre que le niveau de vie pointe prioritairement un âge, plutôt qu’une véritable inégalité de revenus. Enfin traiter d’égoïstes les retraités relève à la fois de l’ignorance et de l’insulte, puisqu’ils transfèrent chaque année sous forme de dons, de legs, de bénévolat et de diverses aides monétaires ou en nature des montants non négligeables en faveur de leurs descendants.

II -ON NE JALOUSE PLUS LES RETRAITÉS : ON LES PUNIT

Mais depuis quelques années, on ne se contente plus de dénigrer, ni de jalouser les retraités : on a d’abord commencé par leur mentir, avant maintenant de les punir. Leur mentir quand le Président Macron, dont on sait que son succès de 2017 est largement dû au vote retraité, indiquait dans sa campagne électorale qu’il était le seul à pouvoir vraiment garantir le pouvoir d’achat des retraites, juste avant de les bloquer sans vergogne peu de temps après son accession au pouvoir. À les punir, lorsque le même remet le couvert en majorant de 25% le taux de la CSG applicable aux retraités, sans leur fournir aucune des compensations réservées à la plupart des autres catégories sociales. À les punir encore quand les syndicats de l’Agirc-Arrco s’entendent comme larrons en foire pour geler les retraites complémentaires, en profitant de ce qu’ils refusent la présence du moindre retraitéà leur Conseil d’Administration. Toujours à les punir enfin lorsque les retraités voient actuellement fuser le coût de leur complémentaire-santé, parce que l’État vient de le grever d’un nouvel impôt censé récupérer une partie des économies – pourtant inévitablement provisoires- que la crise aurait procurées aux compagnies et que la plupart se sont empressées de répercuter la taxe sur leurs assurés.

Mais visiblement cela ne suffit pas et l’on entend depuis quelque temps monter une petite musique selon laquelle il n’y aurait rien de mieux que de profiter de la Covid pour ponctionner ou réduire les retraites et rétablir ainsi d’un coup de baguette magique les finances publiques. C’est bien connu pour nombre d’économistes distingués, les vieux pompent trop d’argent et leur insupportable goinfrerie asphyxie la jeunesse qui crève la bouche ouverte. Alors vous pensez bien que, quand se présente une occasion comme la crise du Covid qui met à mal nos finances déjà fort fragiles, l’opportunité est trop belle : haro sur les retraités, ces pelés, ces galeux, ces tondus et il n’est partout question que de baisser les pensions, au moment même où le Conseil d’Orientation des Retraites vient d’admettre officiellement et pour la première fois que le pouvoir d’achat des pensions est en net recul . Remarquons d’ailleurs qu’avec le seul garde-fou de la solidarité intergénérationnelle et alors que certains jeunes ne se cachent pas de vouloir "la peau des vieux", les retraités ont du souci à se faire. L’argument réducteur paraît imparable : à l’inverse d’autres catégories sociales, que la crise a sévèrement touchées, il faut une nouvelle fois châtier les retraités qui eux n’ont rien perdu, puisqu’ils ont continuéà percevoir leurs pensions sans interruption et à leur montant habituel. On ne peut évidemment laisser sans réponse tant d’ignorance et tant de mauvaise foi.

III – DES ARGUMENTS À L’EMPORTE-PIÈCE ET GUÈRE CONVAINCANTS

Pour commencer, il est faux que les retraités n’aient "rien perdu" dans la pandémie : à eux seuls ils représentent l’énorme majorité des décès recensés et encore notre appareil statistique hospitalo-centré est-il très probablement en dessous de la réalité. Faut-il rappeler aussi les conditions ignobles dans lesquelles le pouvoir a cru bon au printemps dernier de transformer en "mouroirs-étanches" certains EHPAD, provoquant de la part des soignants scandalisés des dizaines de témoignages tous plus insoutenables les uns que les autres ?

A -Un manque criant de contradictoire

Mais revenons-en aux sous ! On a vu que plusieurs grandes âmes se sont spontanément mobilisées pour réclamer une baisse des retraites, afin de faire participer généreusement les retraités à l’effort de solidarité nationale indispensable au relèvement du pays. Bien sûr, ces sommités ne parlent que pour elles-mêmes, n’ayant reçu aucun mandat pour prendre la parole à la place des retraités, pourtant les premiers concernés. Bien qu’on devine qu’elles ne sont pas dans la misère, aucune d’entre elles n’a cru bon d’indiquer à quel niveau se situaient ses propres pensions, ce qui aurait été pourtant un élément utile d’appréciation sur le degré de dévouement et de désintéressement qu’affichent ces prêcheurs. Il est quand même paradoxal que la voix de ces gens-là se répande sur toutes les ondes et sur tous les écrans et autres médias, alors que les 17 et plus millions de retraités qui constituent plus du quart de la population française n’ont droit qu’à 2% du temps d’antenne dans le paysage audio-visuel français (source : CSA). Naturellement il ne viendra à l’idée de nul chroniqueur, de nul journaliste, de nul éditorialiste de se soucier, en invitant précisément un échantillon suffisant de ces retraités, de ce qu’en pensent les principaux intéressés ainsi mis en accusation sans aucun droit à la défense. Pire, on ne chasse pas seulement les retraités de la plupart des moyens de communication, mais on les vire aussi de toutes les institutions nationales dédiées aux retraites (COR, CSR, CNAV notamment) ou susceptibles de s’en occuper (CESE). Nul doute que ce bâillonnement des retraités satisfait pleinement le pouvoir et ses acolytes, qui peuvent ainsi poursuivre tranquillement leur politique de mortification sur le peuple des moins que rien. Et ce n’est pas sur les syndicats professionnels de salariés (qui se réservent avec les employeurs les fruits d’une juteuse cogestion des retraites) qu’il faut compter pour défendre les retraités : la CFDT s’est même signalée lors de la dernière réforme des retraites en proposant tout simplement de majorer une nouvelle fois la CSG des retraites par alignement direct cette fois sur le taux de droit commun !

B - Les retraités n’ont pas profité de la Covid

Examinons maintenant calmement comment la Covid aurait favorisé pécuniairement les retraités accusés d’avoir scandaleusement préservé leurs pensions, alors que d’autres catégories ont vu leurs revenus péricliter. On fera d’abord remarquer que lorsqu’elle atteint 84% du salaire net, l’indemnisation du chômage total ne se traduit pas vraiment par 16% de perte de pouvoir d’achat dans la mesure où le chômeur n’expose plus de frais professionnels, réduit ses frais de garde d’enfants et bénéficie le plus souvent d’une réduction proportionnelle de CSG et d’impôt sur le revenu. Mais c’est vrai que beaucoup d’indépendants subissent eux des pertes infiniment plus sévères faute d’une indemnisation adéquate par un État de fonctionnaires qui se méfie des entrepreneurs comme de la peste. Doit-on pour autant raboter les revenus de tous les autres ? Parmi ces autres et d’abord, il y en a, fort discrets, qui ne "mouftent" pas parce que la crise, eux, ils en ont profité et même bien profité :

- en effet, à côté de secteurs (hôpitaux, forces de l’ordre, services de secours etc.) pour lesquels la pandémie a entrainé une lourde mobilisation, on ne peut pas dire par exemple que tous les personnels de la Poste, de l’Éducation nationale, de la Justice, des Arts et de la Culture, des guichets (fermés) de Sécurité sociale et des impôts ou encore des transports publics, aient intégralement maintenu durant l’épidémie leur niveau de présence ou de service, sans pourtant que leur rémunération en ait été vraiment affectée. Naturellement ces éléments de bon sens ont échappéà ceux qui hurlent avec les loups. Pourquoi donc alors se précipiterait-on sur les pensions des retraités qui n’ont rien fait à personne, lorsqu’on dédaigne de récupérer par ailleurs (et souvent dans le secteur public où l’emploi est préservé quoi qu’il arrive) les services non faits, les salaires indûment maintenus ?

- et même d’une manière plus large, pourquoi faire rendre gorge aux retraités et à eux seuls, alors qu’il y a des tas de catégories sociales qui ont commis le même "crime" de conserver tout simplement leurs revenus conformément à leur statut, comme les retraités ont conservé leurs pensions conformément au droit des retraites. Nos prédateurs ont-ils l’intention de mettre tous ces métiers à contribution, à commencer par les députés qui viennent d’augmenter de 15% d’un coup leur défraiement annuel ? Et si nos Saint-Just ne le font pas, que devient donc le principe constitutionnel d’égalité ?

En réalité, on s’aperçoit que contrairement aux accusations de leurs détracteurs, les retraités n’ont pas du tout profité de la pandémie, ils n’en ont simplement pas pâti économiquement. Mais on sait bien qu’il est plus facile de faire rendre gorge à des retraités sans défense que de s’attaquer à des personnels syndiqués qui savent déclencher leur mobilisation dès la perte du premier euro.

C- La solidarité intergénérationnelle en danger

Naturellement tous nos apprentis prédateurs se fichent comme d’une guigne de la solidarité intergénérationnelle, qu’ils sont prêts à jeter aux orties et plus loin encore pour crucifier un peu plus leur cible préférée. Pourtant maintenant qu’ils ont ouvertement révélé leur cynisme, ils feraient bien de réfléchir un peu aux risques et aux dangers que représenterait la menace d’un conflit ouvert entre les générations, qu’ils font actuellement tout pour attiser. Pas moins de 48% des 1 400 000 associations du pays sont présidées le plus souvent bénévolement par des retraités. Ces derniers fournissent en sus le gros des troupes des grandes organisations humanitaires incapables de poursuivre leurs activités sans leur concours. Leur présence est également indispensable pour assurer le fonctionnement quotidien de milliers de petites communes. Les seniors et les retraités sont aussi de généreux donateurs : plus de la moitié des donateurs aux associations et fondations ont plus de 50 ans. La plupart des retraités font en outre des efforts importants et durables pour aider leurs familles. Est-ce vraiment tout cela qu’on veut réduire, voire supprimer ?

D – On discrimine gratis !

Avant de conclure cet article, il n’est sans doute pas inutile de rappeler à tous ceux, chaque jour plus nombreux, qui tirent à vue sur les retraités qu’ils se rendent coupable d’une discrimination interdite par la loi. Mais comme le souligne la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie, dans notre pays l’âgisme est à la fois la discrimination le plus souvent observée et celle de loin la moins réprimée. Une preuve : ce n’est qu’en février 2020 que pour la première fois depuis la création de l’institution un collectif de retraités (le Mouvement National de Défense des Retraités) a osé saisir officiellement le Défenseur des droits d’une plainte (toujours en cours d’examen !) pour discrimination abusive à l’encontre des retraités, injustement exclus "ès qualités" et depuis des lustres de toutes les institutions nationales dédiées aux retraites et précédemment citées.

IV- CONCLUSION : LE TRIOMPHE PÉRILLEUX DU CHACUN POUR SOI

Enfin dernier aspect et non des moindres : même ainsi "déclassés", les retraités constituent un enjeu électoral important : 36% du corps électoral et un poids effectif souvent bien supérieur, parce que les "vieux" votent plus que les autres. Et ce poids, il faut le reconnaître fait réfléchir jusqu’aux plus cyniques de nos politiques toujours en quête d’une élection ou d’une réélection, qu’il leur est évidemment difficile d’envisager en se mettant à dos plus du tiers du corps électoral. C’est actuellement la seule vraie garantie des retraités contre une détérioration trop rapide de leur sort à un moment où le chacun pour soi l’emporte :

- en détruisant dangereusement avec la famille les plus naturelles et les plus évidentes des solidarités,

- et en privilégiant une vision à court terme qui risque de réserver bien des surprises désagréables dans les années qui viennent, à commencer par l’accélération du fléchissement continu et déjà bien entamé de la natalité nationale.

De quoi probablement leur valoir un bref répit jusqu’au printemps 2022, mais guère plus tard. Pourtant dans ses ouvrages sur "la République", Bodin prétendait : "il n’est de richesse que d’hommes". Mais quand, parce qu’ils sont vieux et qu’ils ne peuvent plus travailler, on traite ses propres parents ou ses grands-parents de parasites, de nantis et d’égoïstes, que vaut encore la sagesse des anciens, alors que la priorité est partout de "déconstruire" sans se soucier de ce qu’on abat ? Raison de plus pour que les retraités, face à la montée des périls et des menaces qui s’aggravent, réalisent d’urgence la nécessité de s’unir tous secteurs et tous statuts confondus pour imposer et faire reconnaître officiellement et au même titre que les syndicats de salariés et les organisations d’employeurs, leur qualité démocratiquement incontestable de troisième partenaire social de la Nation.

Auteur : Thierry BENNE

Source : IREF https://fr.irefeurope.org/6120

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